Victor Charreton et Adolphe Rey réunis à travers notre vente d'ateliers

ATELIERS. Adolphe REY (1863-1944). Louis AGERON (1865-1935) et Marcelle AGERON (1902-1955). Juliette DESHAYES (1900-2001) Maurice (1889-1983) et Guy (1917-2011) MARANDET

Vente du mardi 13 février 2024 à 14h30 
Catalogue complet : ici

Présentation des artistes : 

Adolphe REY (1863-1944) 
« C’est bien d’une découverte qu’il s’agit ici. Homme discret s’il en fut, Adolphe Rey, tout au long de son existence poursuivit son œuvre dans le secret de l’atelier. Ses intimes seuls étaient à même de mesurer son talent. Et si, finissant par céder à leurs amicales pressions, il consentit à montrer sa peinture (il approchait alors de ses soixante ans...) ce ne fut pas en se répandant entre galeries et expositions, mais à la dérobée, pour ainsi dire, en se fondant parmi la foule des participants au grand Salon de Lyon ». C’est avec ces mots justes que Philippe Auserve, conservateur du Musée des Peintres de l’École de Murols, introduit le propos du catalogue de la merveilleuse exposition consacrée à l’artiste, il y a quinze ans, durant le mois de mai 2018 dans ce délicieux petit musée auvergnat.
Ainsi, ce fonds exceptionnel, conservé avec tous les égards par la descendance du peintre, (l’état de fraîcheur des aquarelles est absolument remarquable), va par le jeu des enchères faire le bonheur des amateurs et des collectionneurs.
Adolphe Rey naît le 8 avril 1863 à Châteauvillain (Isère), issu d’une vieille famille dauphinoise,  il est scolarisé à Bourgoin, et entame des études d’architecture qui l’amènent à Paris. En 1884 à Lyon, il choisit d’embrasser une carrière militaire dans l’infanterie, qui le verra promu capitaine en 1904. Une affection pulmonaire contractée en 1911, le ramène à Bourgoin, où il meurt le 26 août 1944. 
 Sa rencontre, sur les bancs de l’école communale, avec Victor Charreton (1864-1936), d’un an son cadet, sera essentielle dans sa vocation. Outre l’amitié qui unira les deux hommes jusqu’au décès de Charreton, le grand peintre reconnu ne cessera d’apporter son soutien et ses encouragements à son ancien camarade. Ainsi, c’est bien évidemment Charreton qui fera venir Rey à Murol, pour trois séjours entre 1915 et 1918, les deux camarades allant même jusqu’à peindre le même tableau (lots n°30 et 31 de notre vacation) dans le même format ! 

 Les huiles d’Adolphe Rey, de factures puissantes, exaltent les paysages du Dauphiné et les délicates neiges d’Auvergne ; travaillées en pleines pâtes, d’une touche fougueuse, elles bouleversent par la vivacité de leurs couleurs.
 Avant de s’exprimer par le biais l’huile, Adolphe Rey, chantre du « peindre dans l’eau », fut aussi un formidable aquarelliste, si Ernest Filliard (1868-1933), spécialiste de la fleur lui donnât quelques conseils, Rey ne tardera pas à une parfaite maîtrise de cette technique, utilisant les papiers les plus précieux, travaillant sur le motif en solitaire, ou à l’atelier pour ses somptueuses compositions florales.
 Si la modestie foncière et la pudeur extrême d’Adolphe Rey l’ont empêché de mettre en avant les riches multiples d’un talent unique, il nous appartient de célébrer enfin cet authentique peintre, redécouvert près de quatre-vingt ans après sa disparition.

Louis AGERON (1865-1935) et Marcelle AGERON (1902-1955)
On ne présente plus Louis Ageron, immense artiste valentinois, un des plus grands aquarellistes de notre région.
Son œuvre exaltée, aux confins de l’impressionnisme et parfois du symbolisme, peut-être perçue comme celle d’un continuateur de François-Auguste Ravier (1814-1895), ce « Turner français ».
L’épure à laquelle Ageron parvient parfois, frisant l’abstraction, n’est pas non plus sans rappeler la tradition extrême-orientale et chinoise de la peinture de paysage, exprimant une jubilation poétique devant le motif.
Sa fille Marcelle (1902-1955), fut bien sûr sa meilleure élève et aussi une excellente comparse d’excursions pittoresques, apportant un regard différent, plus attentif à l’environnement humain, partageant une appétence particulière pour les paysages plus lointains, la Bretagne, les Alpes, la Côte d’Azur.
Les vues d’Italie et particulièrement celles qui saisissent les monuments antiques de Rome et de sa campagne, sont empreintes d’une nostalgie et d’un mystère proposant une forme de la ruine des plus indicible. 
Chaque feuille de Marcelle Ageron invite à pénétrer, par un jeu superbement maîtrisé de couleurs et d’ombres, l’essence même des lieux et constitue le point de départ d’un délicieux voyage immobile.


Juliette DESHAYES (1900-2001) Maurice (1889-1983) et Guy (1917-2011) MARANDET
Disparue centenaire en 2001, l’artiste peintre Juliette Deshayes aura donc vécu l’intégralité du XXème siècle ! 
Née à Pontoise dans l’ancienne Seine-et-Oise en 1900, Juliette Deshayes est une créatrice précoce puisqu’elle expose dès 1925 au fameux Salon des Indépendants, institution à laquelle elle sera très fidèle, présentant très régulièrement son travail jusqu’en 1950. La jeune femme dessine dans le même temps, à l’instar d’une Sonia Delaunay, des motifs pour les tissus de robes haute couture, en particulier pour les créations modernistes de Maggy Rouff. Son succès allant grandissant, elle accroche ses toiles aux cimaises des galeries les plus en vue de Paris, des Beaux-Arts, Drouant, Louis Carré, Barreiro… De nombreux critiques, de Louis Vauxcelles à André Warnod,  s’enthousiasment sur ce jeune talent féminin ; l’État fait l’acquisition de Coin de Paris en 1926 et la ville de Paris n’est pas en reste en jetant son dévolu sur Paris, les quais en 1937.
L’année 1934 marque un tournant décisif avec l’installation à Mirmande dans la Drôme, motivée par l’amitié profonde qui l’unit au couple composé par Simone et André Lhote. André Lhote (1885-1962), théoricien du Cubisme, fréquente le village drômois depuis 1926 et a pris l’habitude de faire venir ses élèves l’été pour étudier le paysage. Cette « Académie aux champs » comme Lhote l’a qualifiait alors, contribuera à la renaissance de ce magnifique village alors quasiment à l’abandon, des artistes de tous horizons venant s’y installer dans une quête de retour aux sources. La proximité de Lhote sera capitale pour Juliette Deshayes qui va peu à peu délaisser une peinture urbaine, solidement charpentée pour de grandes aquarelles aux savantes compostions et aux délicates mises en couleurs. 
Cette artiste pionnière, fort injustement oubliée du fait de son attachement provincial mérite une reconnaissance légitime tant des institutions que des collectionneurs.
Maurice et Guy Marandet, respectivement père et fils sont tous les deux également attachés à Mirmande et à la Drôme.
Si Maurice Marandet exerce d’abord comme orfèvre à Paris, ses qualités de ciseleur en font un dessinateur minutieux à la précision hors pair, passionné par l’architecture, le patrimoine et l’histoire. C’est par l’entremise de son fils Guy qu’il découvre le petit village du Val de Drôme. Guy y séjourne en effet depuis l’été 1935, ayant découvert le paradis drômois par le biais de sa tante, Juliette Deshayes. Tombant très vite amoureux des lieux, il acquière et restaure la « Grande Maison ». D’abord marqué de l’empreinte de Lhote, sa peinture s’émancipe dans une abstraction paysagère remarquablement construite et équilibrée.

Expert : Damien Voutay